Nous évoluons aujourd’hui dans un contexte marqué par une incertitude croissante. Les taxes et impôts augmentent, obligeant les entreprises, soit à absorber ces surcoûts, soit à les répercuter sur leurs prix de vente. Dans le même temps, les réglementations environnementales se durcissent et s’accélèrent, entraînant une hausse des coûts de conformité : collecte rigoureuse de données, traçabilité renforcée, adaptation des processus de production… autant de charges administratives et opérationnelles supplémentaires [1].
À cela s’ajoutent des tensions géopolitiques et leurs conséquences directes : flambée des prix de l’énergie, hausse du transport et des matières premières, sans oublier des coûts de production en constante augmentation. Le climat constitue un autre facteur d’instabilité : les événements extrêmes (sécheresses, inondations) sont aujourd’hui 38 à 52 % plus fréquents qu’il y a vingt ans, perturbant les récoltes et la disponibilité de fibres naturelles comme le coton [2]. Enfin, les ruptures de chaîne d’approvisionnement et l’indisponibilité d’infrastructures critiques (électricité, eau, télécommunications) fragilisent encore davantage les organisations [3].
Dans ce monde instable, comprendre le vrai coût du produit n’est plus une option, mais une nécessité pour stabiliser ses coûts et renforcer sa résilience.
Bien connaître son coût global
Stabiliser ses coûts commence par une compréhension fine du Total Cost of Ownership (TCO), ou coût global. Cette approche dépasse la simple vision du prix d’achat pour prendre en compte l’ensemble des dépenses directes et indirectes liées au cycle de vie d’un produit : fabrication, transport, stockage, conformité, maintenance et fin de vie.
Pour aller plus loin sur l’anticipation et la stabilisation de ces coûts : Les Mardis Horizon ép4 : Anticiper le vrai coût du produit
Un coût souvent sous-estimé est celui des éco-contributions. Les écomodulations mises en place par des organismes comme Refashion ou Citeo peuvent représenter des bonus ou des malus significatifs selon les choix de conception, les matériaux utilisés ou encore la recyclabilité des produits. Identifier et anticiper ces coûts réglementaires est un levier stratégique pour éviter les mauvaises surprises et, parfois, bénéficier d’avantages financiers.
La connaissance approfondie de ses fournisseurs joue également un rôle central. L’intégration des principes de la norme ISO 26000 (responsabilité sociétale des organisations) permet non seulement de renforcer la fiabilité et la transparence, mais aussi de générer des économies à long terme. Cela peut se traduire par :
- Une optimisation des processus et une meilleure efficacité opérationnelle
- Une réduction des gaspillages
- Une mutualisation des ressources avec les partenaires
- Des tarifications préférentielles obtenues grâce à des relations de confiance sur le long terme
En somme, bien connaître son coût global, c’est transformer une contrainte en opportunité : chaque élément caché ou secondaire devient une variable à piloter pour renforcer la stabilité financière de l’entreprise.
Activer les bons leviers de réduction du coût global
Une fois le coût global identifié, l’enjeu est d’activer des leviers concrets pour le réduire de manière durable. Le premier consiste à mettre en place un rétroplanning clair, partagé et optimisé. En alignant les équipes autour de processus structurés, l’entreprise réduit les retards, limite les doublons et améliore sa capacité à anticiper, ce qui se traduit par des économies directes sur les coûts opérationnels.
Un autre levier majeur concerne les matières premières, qui représentent en moyenne 20 à 30 % du prix de revient industriel (PRI) [4]. Une meilleure gestion des approvisionnements, le choix de matériaux alternatifs ou la sécurisation des volumes auprès de fournisseurs stratégiques permettent non seulement de stabiliser les prix, mais aussi de limiter l’exposition aux fluctuations du marché.
Le packaging offre également des marges d’optimisation souvent sous-estimées. Adapter la taille du colis au produit permet de réduire les coûts logistiques, tandis que l’option de packagings réutilisables peut générer des économies significatives sur le long terme. En diminuant le volume transporté, l’entreprise réduit aussi ses coûts de transport. Enfin, en utilisant moins de matériaux, elle diminue non seulement ses dépenses d’achat mais également les coûts liés au traitement et à l’élimination des déchets.
Ces leviers, combinés entre eux, participent à une approche cohérente : réduire les coûts sans sacrifier la qualité, tout en renforçant la résilience face aux contraintes réglementaires et aux aléas du marché.
Revoir l’organisation pour soutenir la démarche
Stabiliser ses coûts ne repose pas uniquement sur des décisions d’achat ou de production : l’organisation interne joue un rôle tout aussi déterminant. Cette transformation doit cependant se faire de manière progressive, en privilégiant une approche pragmatique basée sur des Quick Wins. En appliquant la loi de Pareto, il s’agit de se concentrer sur les 20 % de causes qui génèrent 80 % des effets, afin de dégager rapidement des résultats visibles et mesurables [5].
Il convient d’avoir une vision claire de ses flux, processus et leadtimes. En cartographiant l’ensemble de la chaîne de valeur, l’entreprise peut identifier les points de blocage, mieux maîtriser ses coûts et dégager de nouvelles marges de manœuvre. Cette transparence permet aussi de mieux anticiper les aléas externes et de gagner en réactivité.
Il est également essentiel de s’appuyer sur les forces existantes au sein de son organisation. La démarche appréciative (Appreciative Inquiry) offre une approche constructive : plutôt que de se focaliser uniquement sur ce qui dysfonctionne, elle invite à identifier ce qui fonctionne déjà bien dans l’organisation et à le renforcer. Ce socle positif devient alors un levier pour entraîner le reste de l’entreprise dans une dynamique de transformation.
Ainsi, revoir son organisation ne signifie pas tout remettre en cause, mais capitaliser sur ses atouts, éliminer les gaspillages et structurer les processus pour gagner en efficacité. C’est ce travail interne qui permet de consolider dans la durée les bénéfices des actions menées sur le coût global.
Conclusion
Dans un contexte instable et exigeant, stabiliser ses coûts (Les Mardis Horizon ép3 : Stabiliser ses coûts dans un monde incertain) passe par une vision élargie et stratégique. Comprendre le vrai coût du produit, identifier les leviers de réduction pertinents et revoir son organisation de manière progressive permettent non seulement d’absorber les contraintes externes, mais aussi de créer de nouvelles marges de manœuvres. Plus qu’une simple question de rentabilité, c’est une démarche de résilience et de compétitivité durable.
Références
[1] L’echoMMERCES (2025), Hausse des droits de douane : Quel impact pour les commerçants Français ? : https://lechommerces.fr/hausse-des-droits-de-douane-quel-impact-pour-les-commercants-francais/#:~:text=Pour%20la%20zone%20euro%2C%20l,0%2C7%25%20espérée
[2] tous pour l’eau (2025), Crises hydrologiques : entre inondations et sécheresses, 2025 s’annonce comme une année marquée par des événements climatiques extrêmes ! : https://www.touspourleau.fr/crises-hydrologiques-entre-inondations-et-secheresses-2025-sannonce-comme-une-annee-marquee-par-des-evenements-climatiques-extremes/
[3] Futura Sciences (2025), Inondations, sécheresses : le cycle de l’eau déraille et 2025 pourrait être l’année de tous les extrêmes ! : https://www.futura-sciences.com/planete/actualites/rechauffement-climatique-inondations-secheresses-cycle-eau-deraille-2025-pourrait-etre-annee-tous-extremes-118678/
[4] Collectif éthique sur l’étiquette, Décomposition du prix d’un t-shirt : https://ethique-sur-etiquette.org/IMG/pdf/decomposition_du_prix_d_un_t-shirt_sv_.pdf
[5] Cadremploi (2022), Loi de Pareto (méthode 80-20) : comment l’utiliser au travail ? : https://www.cadremploi.fr/editorial/conseils/conseils-carriere/loi-de-pareto-methode-80-20-comment-lutiliser-au-travail